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Курс французского языка Том 4 - Може Г.

Може Г. Курс французского языка Том 4 — СПб.: Лань, 2002. — 480 c.
ISBN 5-8114-0095-0
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marcel proust (1871-1922)
Contrairement a ce qu'on pourrait imaginer, Ie style de PROUST n'a rien d'affecte. S'il est contourne, sinueux, charge d'indications minutieuses et d'images patiemment developpees, c'est qu'il s'applique a decrire des etats de conscience eux-memes fort embrouilles et a restituer les efforts d'une memoire jamais lasse de scruter Ie passe. Ainsi, comme Vecrivain Va specifie lui-meme, Vespece d'embarras, voire de confusion qu'il met a s'exprimer, n'a d'autre cause que son souci de «respecter la marche naturelle» de sa pensee... En fait, on se trouve la en presence d'un art nouveau, d'une sorte de style de dechiffrage, comme diraient les musiciens, s'enfongant jusqu'aux racines de Vetre et associant etroitement Ie lecteur aux investigations douloureuses de Vauteur...
LA MADELEINE
Il у avait deja bien des annees que, de Combray1 tout ее qui n'etait pas Ie theatre et Ie drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais a la maison, ma mere, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de the. Je refusai d'abord, et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gateaux courts et dodus appeles petites madeleines qui semblent avoir ete moules dans la valve rainuree2 d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientot, machinalement, accable par la morne journee et la perspective d'un triste lendemain, je portai a mes levres une cuilleree du the ou j'avais laisse s'amollir un morceau de madeleine. Mais a l'instant meme ou Ia gorgee melee des miettes du gateau toucha mon palais, je tressaillis, attentif a ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir delicieux m'avait envahi, isole, sans la notion de sa cause3. Il m'avait aussitot rendu les vicissitudes de la vie indifferentes, ses desastres inoffensifs, sa brievete illusoire, de Ia meme facon qu'opere l'amour, en me remplissant d'une essence precieuse: ou plutot cette essence n'etait pas en moi, elle etait moi. J'avais cesse de me sentir mediocre, contingent4 mortel. D'ou avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu'elle etait liee au gout du the et du gateau, mais qu'elle Ie depassait infiniment, ne devait pas etre de meme nature. D'ou venait-elle?
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Que signifiait-elle? Ou l'apprehender? Je bois une seconde gorgee ou je ne trouve rien de plus que dans la premiere, une troisieme qui m'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrete, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la verite que je cherche n'est pas en lui. mais en moi. Il l'y a eveillee, mais ne la connait pas et ne peut que repeter indefiniment, avec de moins en moins de force, ce meme temoignage que je ne sais pas interpreter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, a ma disposition, tout a l'heure pour un eclaircissement decisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est a lui de Irouver la verite. Mais comment? Grave incertitude, toutes les fbis que l'esprit st sent depasse par lui-meme; quand lui, Ie chercheur, est tout ensemble5 Ie pays obscur ou il doit chercher et ou tout son bagage ne lui sera de rien Chercher? pas seulement: creer. Il est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut realiser, puis faire entrer dans sa lumiere (...). Et tout d'un coup Ie souvenir m'est apparu. Ce gout, c'etait celui du petit morceau de madeleine que Ie dimanche matin a Combray (parce que ce jour-la je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Leoni e m'offrait apres l'avoir trempe dans son infusion de the ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappele avant que je n'y eusse goute; peut-etre parce que, en ayant souvent apercu depuis, sans en manger, sur les tablettes des patissiers, leur image avait quitte ces jours de Combray pour se Her a d'autres plus recents; peut-etre parce que, de ces souvenirs abandonnes si longtemps hors de la memoire, rien ne survivait, tout s'etait desagrege; les formes — et celle aussi du petit coquillage de patisserie, si grassement sensuel, sous son plissage severe et devot — s'etaient abolies ou ensommeillees, avaient perdu la force d'expansion qui leur eut permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passe ancien rien ne subsiste, apres la mort des etres, apres la destraction des choses, seules, plus freies, mais plus vivaces, plus immaterielles, plus persistantes, plus fideles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des ames, a se rappeler, a attendre, a esperer, sur la mine de tout Ie reste, a porter sans flechir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'edifice immense du souvenir*.
Du cote de chez Swann, I (1913).
Примечания:
I. Юный Пруст проводил каникулы у двоюродной бабушки в Ильере неподалек) от Шартра. Здесь Ильер именуется Комбре. 2. Зубчатой. 3. Sans que j'eusse conscience de sa cause. 4. Отданным на волю случая. 5. Одновременно.
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